Le Quotidien Jurassien 22/10/2016
Les paysages transparents de Jean-René Moeschler Aux Confins Du Visible La Galerie SELZ art contemporain, à Perrefitte, clôt son cycle Transjurane, consacré aux artistes de l'ensemble du Jura, par une exposition d'oeuvres récentes de Jean-René Moeschler. Ses paysages silhouettés et poétiques aiguisent l'imagination du spectateur, invité à voyager dans la transparence Né en 1951 à Tavannes, Jean-René Moeschler a enseigné l'éducation artistique et les sciences au niveau secondaire, avant que son «appetit de création» ne prenne le pas sur l'enseignement. Il deviendra peintre indépendant en 1990. On lui doit une douzaine d'expositions personnelles depuis 1997, dans le Jura (abbatiale de Bellelay, galerie Selz, Courant d'Art à Chevenez, Espace Noir à Saint-Imier, galerie du Soleil à Saignelégier), ainsi qu'à la galerie Numaga, à Auvernier puis à Colombier, dont il est un hôte régulier. Il a participé à de nombreuses expositions publiques dans la région. Il vit et travaille à Malleray. Dits et non-dits S'il a peint des nus à ses débuts, Jean-René Moeschler a partiellement quitté la représentation de la réalité dès 1990 pour une abstraction bouillonnante et lyrique laissant toutefois deviner les traces d'éléments bien réels. Son oeuvre balancera dès lors entre abstraction et figuration stylisée, entre dits et non-dits, pour «faire sortir de l'ombre un instant du visible», écrivait en 2008 le critique et poète français Jean-Baptiste Parra. Ainsi du chaos chromatique des années 1990 naîtront de vagues formes évoquant un meuble, un plan d'eau, une bâtisse, un coin de paysage. Puis la surface s'organisera en plans monochromes traversés d'arabesques, figures cellulaires ou vermiculaires qui prendront peu à peu un aspect végétal. Voici les empreintes négatives ou positives de fleurs et feuillages, inscrits un temps dans une sorte de quadrillage, et bientôt asssociées à des éléments architecturaux, annoncés par une succession de cubes et d'arches. Ces différentes manières de percevoir le monde, ces changements de points de vue et de styles auraient pu générer une oeuvre disparate si Moeschler avait fait table rase des acquis à chaque renouvellement de son approche de la réalité – car c'est toujours d'elle qu'il s'agit. Au contraire, il avance comme par cycles excentriques, chaque nouvelle «étape» semblant puiser dans la précédente les éléments qui, réinterprétés, recontextualisés, feront sa nouveauté. C'est pourquoi, malgré ses changements, ses continuelles innovations, sa peinture protéiforme apparaît homogène: constant renouvellement du style, de la représentation des deux thèmes de prédilection que sont la nature et l'architecture, mais unité de la pensée. Vocabulaire pictural En fait, ces lacis, velutes, cercles, arches, feuillages, qui apparaissent de manière récurrente dans l'oeuvre, tiennent moins du thème que du vocabulaire pictural. Le véritable sujet de Moeschler, c'est la peinture, ou du moins, comme il écrit quelque part dans son journal, la manière de regarder, donc d'interpréter un objet. Le rendre crédible importe moins que l'exprimer à travers ses émotions et ses inventions d'écriture. Entre le sujet et l'artiste, il y a toujours une question de peintre, qui fait que son oeuvre, libre et construite, repose autant sur l'émotion que sur l'intellect. La peinture se fait dessin Les 25 huiles sur toile exposées à la galerie Selz ont été peintes entre 2014 et cette année. Les petits formats, d'environ 25 centimètres de côté, apparaissent comme des esquisses, de vigoureuses expérimentations, alors que les grandes toiles, dépassant parfois deux mètres, impressionnent par la simplicité et la force du langage. Ce sont des paysages à la fois nets et en fouillis qui s'offrent à nos yeux, des ossatures de paysages, plutôt, où la végétation et les bâtiments qu'on devine à travers elle sont silhouettés en différents tons sur un fond monochrome, parfois nuancés. Que du trait, précis ou débridé, mais toujours lisible ou suggestif; la peinture fait dessin. Mais la couleur des fonds, ce jaune solaire, ce mauve assourdi, ce bleu infini ou ce vert croquant, confèrent à l'oeuvre son atmosphère et son sens, son mystère ou son rayonnement. L'air circule à travers les formes vides, le regard se perd dans les transparences d'une végétation foisonnante qui dévoile ça et là un toit, une façade, une voûte. Une exubérance élégante et maîtrisée, avec ce petit côté Matisse qui, lui, n'est vraiment nouveau dans l'oeuvre de Moeschler. L'ensemble constitue une synthèse des différentes explorations du thème du paysage naturel et construit, apparu en 2009. N'en reste plus que les grandes lignes, souples ou heurtées, de teintes subtiles et des lumières qui invitent à voyager dans les profondeurs d'un inextricable réseau végétal. Et l'oeuil accompagne l'artiste dans son plaisir de peindre, dans cette jubilation qui est sa marque. Jean-Pierre Girod Un livre réalisé par le peintre Pour suivre et comprendre l'évolution de la peinture de Moeschler, le livre qu'il a lui-même réalisé cette année, sur ordinateur, apparaît comme l'outil idéal. Intitulé Jean-Ren_ Moeschler / peintures, l'ouvrage, très bien fait, d'un format commode de 21 centimètres sur 25, facilite l'accès à l'oeuvre par l'écrit et la richesse iconographique. Plusieurs textes de critiques et commentateurs de l'oeuvre sont associés à de nombreux extraits pas toujours digestes du journal de l'artiste, couvrant la période 1987 – 2006. Et surtout, près de 150 reproductions de qualité permettent de suivre au plus près son parcours. L'accent est mis sur les oeuvres réalisées à partir de 2008, alors qu'une cinquantaine de pages retracent l'évolution du peintre dès ses débuts, en 1985. GI Le livre, non-commercialisé, est à commander auprès de l'artiste, à Malleray, ou en ligne (www.jmoeschler.ch et jrmoeschler@tribu.ch). --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Seit vielen Jahren hat der Maler nicht aufgehört, alle Sujets, Themen und Motive mit einem einzigen Anliegen darzustellen: der Beziehung zwischen der Oberfläche und ihren Rändern, der Qualität ihrer Konturen, ihrer Kontinuität, ihrer Bewegungen und ihrer Rythmen. Nach überlagern, gegenüberstellen oder fragmentieren von durchsichtigen oder matten, strukturierten oder glatten Oberflächen hat sich der Maler nach und nach von diesem Spiel mit hypothetischen Konstruktionen entfernt, um sein Interesse mehr und mehr den Konturen zuzuwenden, welche die Räume begrenzen, und die daraus entstehenden Lücken dem Gefühl des Betrachters zu überlassen und seiner Gabe, Stimmungen wahrzunehmen. Aber auch der Kolorist hat sein Hauptanliegen nicht aufgegeben, die Gedankenwelt des Kunstmalers. Formen und Farben, Formen und Hintergründe, Formen und Inhalte. Alle und alles im Dienst des Ausdrucks. Dabei als Partner das Auge des Betrachters, dessen Sensibilität, dessen emotionales Reaktionsvermögen und auch dessen Bereitschaft, sich in den Mäandern von Themen aus der Natur und aus dem gebauten Raum herumführen zu lassen. Die Üppigkeit der Pflanzen, ihre Vielfalt, die Erkennbarkeit ihrer morphologischen Struktur verbinden sich mit feinen Zeichen, welche die Präsenz des humanen architekturalen Genies angeben: der First eines Gebäudes, der Umriss eines Bauwerks, welches eine kultivierte Landschaft andeutet. Die grossen Kompositionen der neueren Schaffensperiode konzentrieren sich auf die Konturen benachbarter Räume. Die Schwingung der Farben steigert die Spannung zwischen Rythmen und Bewegungen der Spuren aus der gelebten Wirklichkeit, die vom Künstler synthetisiert werden. Diese flüchtigen jedoch bewusst konstruierten Zeichen, spontan aber entschieden hervorgebracht, um eine reale Struktur wiederzugeben, welche die Präsenz der Natur, der bewohnten Räume und der darin herrschenden Atmosphäre bezeugt, schaffen eine glaubwürdige und authentische Realität. Von Erinnerungen an intensive und eindringliche visuelle Erfahrungen beherrscht, lässt Moeschler diese aufleben, um seine Empfindungen vom Geist auf die Leinwand zu übertragen, mit seiner Hand als delikater und subtiler Vermittlerin der Beziehungen von Formen, Objekten und Strukturen. Umrisse, Zentren und Alleen gewisser öffentlicher Parkanlagen oder von bedeutenden Städten könnten Vergleichsmerkmale sein. ...« In der Malerei ereignen sich viele Dinge zwischen den Oberflächen und den Konturen: seien diese Beziehungen harmonisch oder dissonant. Und das noch ohne von der Rolle der Farbe zu sprechen. An dieser oder jener Stelle einen komplementären Farbton beifügen, um diesen in Schwingung zu versetzen, gehört zu den besonderen Freuden des Malers. Fingerspitzengefühl, Farbton und Ausmass erlauben ihm die Räume anzupassen, diese zu verringern oder zu vergrössern. Die Befähigung, vom Kleinen ins Grosse zu gehen, und wieder zurück, sich wieder davon zu lösen, um das Ganze in Frage zu stellen, zeichnet Jean-René Moeschler aus. Das Gleichgewicht einer Komposition wird in Spannung gehalten auf eine Weise, die den Blick zum Schweifen bringt, ohne diesen anzugreifen. Das Fortschreiten der Bildwahrnehmung ist eine Erholung. Alles erneuert sich stetig. Das Konstruierte, das Natürliche, das Abstrakte vermischen sich. Ebenen überlagern sich, ein Rankenwerk verwebt sich. Dem Betrachter ist überlassen, seinen roten Faden zu finden.»... (Philippe Mathonnet) Jean-René Moeschler, deutsche Übersetzung Beat Selz ![]()
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Le Quotidien Jurassien, samedi 1er décember 2007 Univers glacial aux accents poétiques Jean-René Moeschler présente à la galérie Selz à Perrefitte, le dévelopement d'un nouveau cycle centré sur l'architecture et l'environnement entamé il y a trois ans. Jean-Pierre Girod Jusqu’au 23 décembre, la galerie Selz art contemporain, à Perrefitte, présente une quarantaine d’œuvres de Jean-René Moeschler, créées entre 2004 et cette année. Le peintre jurassien y dévoile l’évolution d’un cycle entamé il y a trois ans, centré sur une vision architecturale et environnementale qui l’amène à structurer ses toiles en recourant à une définition géométrique de l’espace. Rigueur plutôt froide, atténuée cependant par ce riche travail de la matière picturale qui marque l’ensemble de son œuvre. On ne présentera plus Jean-René Moeschler, qui a exposé à maintes reprises dans l’ensemble du Jura, dans l’Arc jurassien et à quelques occasions à l’étranger. Il vient de recevoir le prix de la Fondation Roland Léchot-Légobbé pour son rôle de « passeur » culturel interjurassien, et le canton de Berne lui a attribué ces jours-ci une bourse pour la publication d’une monographie,. Il vit à Malleray et travaille à Moutier. Vers une peinture plus cérébrale En une quinzaine d’années, Jean-René Moeschler a beaucoup voyagé en pensée et sur sa toile. Vers le milieu des années 90, il quittait à pas de loup un cycle d’abstraction lyrique entamé une dizaine d’années plus tôt, organisant peu à peu ses maelströms puissamment colorés pour laisser apparaître dans un étalement de teintes assourdies et assagies des formes reconnaissables : profil d’une chaise, contours d’un visage, vision fugace d’un intérieur, d’un paysage. Frontière incertaine entre abstraction et figuration, qui allait déboucher sur une suite de peintures aux thèmes discrètement floraux, bientôt transformés en arabesques ou en micro-organismes déployés sur l’ensemble de la toile, selon des rythmes toujours étudiés mais laissant croire au hasard. Cette volonté de structurer la toile, doublée d’une envie de tourner le dos au lyrisme qui continuait de l’habiter, a conduit le peintre vers des horizons plus géométriques. Le cycle commencé il y a trois ans inclut des droites, des angles, des cubes, des jeux de perspective : autant d’éléments nouveaux dans l’œuvre de Moeschler, qui en avait présenté les prémices à la galerie Numaga, à Colombier, en février 2006, puis dans le cadre d’expositions collectives. Ce qu’on découvre à la galerie Selz est de cette veine, avec, comme toujours chez Moeschler, un approfondissement, un développement du thème initial qui inclut même quelques clins d’oeil aux cycles précédents. Solide peinture, plus cérébrale d’apparence que par le passé, donc forcément plus froide, même si le pouvoir poétique est toujours présent, mais baigne cette fois dans une atmosphère peu métaphysique. Evolution cyclique Au rez-de-chaussée de la galerie, de petites toiles de 2006 se présentent comme des variations sur un thème mêlant architecture et nature, avec leurs perspectives à complications. Elles donnent un aperçu de la richesse du vocabulaire pictural de Moeschler, qui recourt aux jus laissant apparaître la trame de la toile, aux fermes aplats, où se répondent couleurs pures, lumineuses, et teintes sourdes, comme salies, le tout bringuebalé de rythmes en syncopes. Ces oeuvres ont surtout valeur d’études et peuvent être aussi réfrigérantes qu’un théorème. Les quatre acryls sur papier de la suite Architectonie de 2004 apparaissent au contraire comme des œuvres fondatrices. Plus librement enlevées que les petites peintures de 2006, elles offrent avec leurs tons dilués la spontanéité de l’aquarelle et définissent à elles seules le cycle entamé par le peintre, où l’architecture, l’agencement spatial occupent une place prépondérante. Si la peinture de Moeschler s’oriente vers de fortes structures qui peuvent désarçonner, elle conserve cette richesse de matière qui l’a toujours marquée et un certain côté baroque. On retrouve notamment ces singularités dans une acryl et huile sur toile sans titre (n. 22 de l’exposition) de 2007, où un décor librement peint, clos et comme calciné, se trouve en partie masqué par des figures géométriques rouge vif, référence à on ne sait quel brasier ou enfer. Par l’aspect déliquescent et le vague sentiment de catastrophe qu’elle suscite, l’œuvre offre une parenté d’esprit avec Architectonie, peinte trois ans plus tôt : occasion de souligner que l’art de Moeschler évolue de façon cyclique, avec des reprises d’éléments anciens que le peintre développe en vertu de la nécessité créatrice du moment. Monde déshumanisé En 2005, dans Mirabilys, le peintre intégrait des fleurs, dressées comme des ombres chinoises devant un fond cloisonné. Il reprendra ce compartimentage de l’œuvre dans une série de compositions plus strictement géométriques, mais en abandonnant tout motif « ornementale » susceptible de distraire le spectateur. Ainsi, quelques tableaux à thèmes architecturaux nous placent dans un monde déshumanisé, à l’image du grand Op. 1539, ou de the Upper Room, aux tons pastel blêmes, aux perspectives coupantes. A l’opposé, l’OP. 1580, réalisé en 2007 aussi et tenant d’une même veine analytique, s’en distingue par un dessin plus souple, aux flous vibrant. De belles transparences adoucissent l’ensemble et piquent l’imagination par la mystérieuse atmosphère qui s’en dégage, par le non-dit d’un décor en attente d’en événement. On sent d’ailleurs l’artiste tiraillé entre ses perspectives glacées, figées, silencieuses, et une expression plus chaleureuse qu’une liberté formelle née de la juxtaposition de styles différents tend à humaniser. Deux toiles récentes parmi les plus abouties (Op. 1504 et Pays danse) interrogent sur la suite du travail : faites d’une superposition de plans, les uns masquant partiellement les autres, elles reprennent des motifs récents et plus anciens, concentrés en une vision kaléidoscopique qui semble à la fois morceler l’œuvre et lui conférer son unité. Ici, Moeschler égare de manière plus absolue qu’ailleurs le spectateur, le piège par une vision éclatée, fissurée du monde, et par une tentative de dialogue – ou de réconciliation – entre abstraction et figuration, qui apparaît aujourd’hui comme la grande question du peintre. Journal du Jura du 10.11.07 Jean-René Moeschler a trouvé un lieu à sa mesure C’est déjà la deuxième fois que Jean-René Moeschler expose à la Galerie Selz. Celui qui est aussi en charge de la culture au sein du Conseil du Jura bernois offre l’occasion aux amateurs de peinture de se plonger dans son évolution picturale. Le monde de Jean-René Moeschler se trouve certainement dans un univers où l’architecture et la peinture sont unies. Depuis dimanche, l’artiste de Malleray propose ses œuvres récentes à Perrefitte. L’occasion de constater que l’évolution du peintre, qui a commencé par enseigner avant de se consacrer exclusivement a ses pinceaux, est bien visible. Adepte du figuratif au début de sa carrière, il s’oriente peu à peu vers l’abstrait, tout en intégrant des éléments très concrets à ses tableaux. Celui qui explorait les corps, a évolué pour aboutir à des œuvres plus géométriques, qui s’inscrivent dans l’espace. Depuis quelques années, Moeschler qui avait expérimenté les plis dans ses œuvres passées, les associe à des diagonales pour créer un nouvel univers. Dans ses tableaux, le parti pris des lignes de fuite est bien présent. Moeschler ne joue pas pour autant au photographe, discipline dans laquelle les liges de fuite sont bien présentes. Dans ses œuvres, le peintre installe une certaine distorsion en exagérant la grandeur des objets de l’arrière, les ramenant à une certaine frontalité : « Seules les diagonales installées sur les lignes de fuite organisent la profondeur », explique Jean-René Moeschler. Certaines de ses oeuvres ne sont pas sans faire penser à des paysages ou des quartiers d’une ville. La couleur y est aussi omniprésente. Jean-René Moeschler est aussi bavard que peintre : »Quand je dis quelque chose, le contraire est aussi vrai », ironise-t-il. Difficile, après pareille déclaration, de s’y retrouver. Moeschler sait aussi se faire comprendre lorsqu’il parle d’une vue plongeante qui domine le sujet. Reste aussi que dans les tableaux présentés, le futur est déjà bien présent. « Ce que l’on voit d’un tableau n’est pas vraiment ce qui est. Dans la toile, la suite est déjà représentée. » Reste encore à la trouver, à savoir quel élément des œuvres présentées deviendra central dans les tableaux à venir. A Perrefitte, Moeschler a trouvé un lieu à sa mesure au sein de la Galerie Selz. Avec Beat, son fondateur, la complicité semble bien présente. Dans l’écrin cubique de la galerie, les œuvres de Moeschler s’inscrivent tout naturellement, comme si la salle s’était modelée à l’imagination de créateur. Avec un prix en prime Jean-René Moeschler ne se contente pas de manier ses pinceaux. Celui qui siège aussi au Conseil du Jura bernois (CJB), au sein duquel il est devenu président de la commission culturelle, a reçu le prix de la Fondation Léchot-Léggobé en faveur de l’unité du Jura. Ce prix, destiné à honorer une personne qui s’est distinguée dans la défense ou l’illustration de l’indépendance, de l’unité ou de la réunification du Jura, récompense pour la première fois un artiste : »C’est certainement mon engagement en faveur d’une culture interjurassienne qui me vaut cet honneur. Même si l’art jurassien ne connaît pas de frontière, mon travail au sein du CJB vise à nous couvrir encore davantage sur le Jura et sur Bienne. Je suis aussi convaincu qu’un artiste doit s’engager pour la société. Il est fini le temps où le peintre s’enfermait dans son atelier sans se soucier de ce qui se passe à l’extérieur. Et force est de reconnaître que le travail de la commission culture a anéanti la défiance du milieu culturel, de mise lors de l’annonce des compétences réservées au CJB. C’est peut-être parce que le plenum a toujours suivi nos recommandations jusqu’à présent. » dd La Région 28 mars 2003 Perrefitte – Jean-René Moeschler à l’espace d’art contemporain Par Pierre Boillat, Rédacteur en chef Une belle exposition dans un bel endroit : l’amateur d’art doit absolument découvrir Jean-René Moeschler à l’Espace d’art contemporain de Beat Selz, à Perrefitte. Le peintre né à Tavannes et aujourd’hui domicilié à Malleray présente des œuvres fortes, entrelacées, créées en majorité l’an dernier. Il a notamment séjourné à Paris et à New York et obtenu plusieurs bourses. Il a exposé à titre personnel à maintes reprises, notamment à Saignelégier et à Bellelay, et réalisé de nombreuses décorations publiques. Le Quotitidien Jurassien, Samedi 22 mars 2003 Le monde cellulaire de Jean-René Moeschler présenté à Perrefitte Par Jean-Pierre Girod L’œuvre de Jean-René Moeschler s’affermit au fil des années sans se renier, la création d’aujourd’hui puise dans celle d’hier, en une sorte de mouvement cyclique et cohérent qui emprunte des voies pas toujours faciles pour l’amateur pressé, mais riches, subtiles pour qui s’en imprègne. On a jusqu’au 12 avril pour le faire, à l’Esparce d’art contemporain de Perrefitte, où 30 travaux récents sont présentés. La peinture de Jean-René Moeschler fut en son temps figurative, et même descriptive, s’en souvient-on ? Les personnages féminins, les nus peints jusqu’au milieu des années 80 se voulaient puissants, emportés dans leurs mouvements, ou immobiles, tirant leurs forces d’émotions, de pulsions initimes que le peintre traduisait par un contour économe et un chromatisme appuyé aux vibrations sensuelles. Sur cette période de recherches, reposant sur le principe que « toute source d’émotion est à peindre » (Carnet I, 1987, paru dans la biographie de l’artiste publiée en 1997 par l’Emulation), la porte ne s’est jamais refermée totalement. La peinture de Moeschler a eu beau subir tous les changements, elle porte la marque d’un artiste dont la grande affaire est l’unité picturale, indépendante du thème, par l’association de couleurs et de formes dont la subjectivité tend toujours à exacerber l’émotion, à réveiller de plaisants démons, car ici, criée ou caressante, la sensualité occupe une place de choix. Du bouillonement à l’arabesque A l’abbatiale de Bellelay, lors de sa grande exposition de 1997, Jean-René Moeschler montrait, sur six ans de création, trois facettes de son art. Œuvres inspirées de la mythologie d’abord, puissantes, hachées, aux bouillonnements nerveux servis par une gamme de couleurs dévorantes. Ce maelström allait faire place à une série de peintures plus structurées, en verticales et horizontales plus ou moins définies, évoquant des visions urbaines, des « architectures intimes ». Enfin, des sortes de natures mortes ou intérieurs laissaient apparaître de premières arabesques, dès 1996. Des entrelacs qui peuplent les peintures d’aujourd’hui, et qui en sont devenus le thème central. Une peinture qui semble faire partie intégrante de notre nature A la suite des figures et nus peints avant 1990, des éléments réalistes ont persisté dans l’œuvre de Jean-René Moeschler, d’une certaine manière sa peinture n’a pas quitté le champ figuratif, mais les êtres et objets décrits ou suggérés – une chaise, un fruit, un personnage – se fondent dans un ensemble touffu à première vue, qui permet par toutes sortes d’opposition de valeurs, d’échappées, de reconstituer mentalement un espace. Dans ses carnets, le peintre évoque des « références continuelles à quelque chose qui est ailleurs que là où l’œil est pointé. (…) Chaque élément, signe, trace, couleurs, mène au tout sans cerner le sujet, mais en le pénétrant, le disséquant, le décomposant dans l’éther initial. » Ornements détournés Avec les arabesques qui forment l’essentiel des œuvres actuelles, Moeschler quitte-t-il totalement le terrain de la figuration ? Il s’écarte en tout cas d’une représentation de la réalité tangible, mais les entrelacs, les enroulements ne sont-ils pas des motifs aussi vieux que la civilisation, apparaissant sous différentes formes dans de nombreuses cultures ? En reprenant ces ornements, en les détournant de leur rôle initial (substitut de toute représentation dans la culture islamique, enluminures compliquées à caractère précieux et sacré dès le Moyen Age, éléments décoratifs d’appoint en vogue à la Renaissance, sinuosités de l’Art nouveau…), le peintre ne s’écarte en fait pas du domaine de la représentation, mais choisit comme référence un thème abstrait par excellence, ou s’y réfère tout au moins par l’esprit, mais dans la plus totale liberté. Un monde cellulaire Moeschler s’écarte des modèles de rinceaux existants, il réinvente les formes, les libère de tout système propre au genre et leur confère une signification personnelle. Nous voici loin d’un art de pure ornementation, ici les arabesques se parent d’un sens étrange par leur référence à un monde organique, cellulaire, vivant, en complète opposition avec de purs entrelacs décoratifs faits pour le plaisir de l’œil et le vagabondage de l’esprit. Les réseaux de lignes croisées aux courbes harmonieuses, reliant une constellation de plages informes aux couleurs soutenues, les segments brisés, en suspension dans un espace d’une apparance parfois aqueuse, la perte de traces linèaires resurgissant ailleurs, à l’image du cours d’eau qui s’évanouit momentanément dans la terre, tout cela confère aux tableaux un mouvement lent, une vie « à mi-chemin entre l’ordre biologique et l’ordre construit, entre le chaos et l’harmonie, entre la réalité interne et externe », remarque Beat Selz, fondateur de l’Espace d’art contemporain de Perrefitte. Il y a une petite dizaine d’années encore, la peinture de Jean-René Moeschler frappait par la force qui s’en dégageait, en raison de la violence maîtrisée de ses couleurs, de la monumentalité de ses formes déchiquetées et de l’espace à la fois large et oppressant qu’elles suggéraient. Petit à petit, le calme s’est imposé par un choix chromatique plus retenu, plus subtil, par des tracés plus harmonieux, mais la force de cette peinture ne s’est pas démentie. Elle s’est simplement intériorisée, elle est contenue, comme prête à jaillir. On doit ce changement à une technique toujours plus maîtrisée et plus libre, qui incite d’ailleurs l’artiste à intervenir sur la structure elle-même du support. Il peint souvent sur des papiers préalablement pliés renforçant par de fines traces l’étrange beauté d’une œuvre qui nous interpelle parce qu’elle semble, sans qu’on sache trop pourquoi, nous concerner au plus profond, comme si ses signes faisaient partie intégrante de notre nature. Journal du Jura du 10.03.2003, Rubrique Districts PERREFITTE J.-R. Moeschler Un nouveau langage Après quelques années de recherches pas toujours très convaincantes, Jean-René Moeschler revient à Perrefitte avec un travail et surtout un nouveau langage d'une rare exception. Une foule importante s'est donné rendez-vous, dimanche après-midi, du côté de Perrefitte à l'occasion de la troisième exposition de l'Espace d'art contemporain-édition, consacré à Jean-René Moeschler. Artiste en perpétuelle recherche de réponses et de solutions, il propose son propre et unique langage subjectif, qu'il a su, au fil des ans, redécouvrir, redéfinir et améliorer afin de l'amener au sommet de la qualité. Il en ressort une peinture non figurative puissante, très dynamique, parfois agressive, que l'on pourrait qualifier de métamoderne. Ses jeux de couleurs et de surfaces, ponctués d'entrelacs très présents, apportent un effet de dimension et de rythme à l'œuvre de Moeschler. Ce langage poussé à l'extrême par un artiste dont la maîtrise technique n'est plus à démontrer, renvoie à une vision intérieure de soi. Bien que certaines œuvres soient très harmonieuses et d'apparence calme, l'intensité qui en ressort impressionne par sa puissance. Il faut prendre le temps et surtout être capable d'apprivoiser ces peintures, afin d'en découvrir toutes les lectures possibles et imaginables. C'est peut-être aussi cela le secret de Jean-René Moeschler, de savoir insuffler à ses toiles et papiers une dynamique et un mystère, permettant au spectateur de les réinventer à chaque vision dans son subconscient. Parfois, l'intensité se faisant encore plus puissante, on a l'impression de communier directement avec les tortillements du cerveau de l'artiste face à sa problématique picturale. Par une technique de pliage, il ajoute encore parfois une troisième dimension, attirant irrémédiablement le spectateur vers les mystères et les secrets les plus profonds des œuvres. Ponctuée par un accrochage subtil, permettant aux différentes toiles et papiers de jouer entre eux, mais aussi d'insuffler un rythme supplémentaire à la visite, cette exposition ne laisse personne indifférent. Elle reflète une richesse picturale et philosophique prononcée où chacun trouve des réponses, mais en ressort avec beaucoup de questionnements. Gageons que les ambitions de l'artiste d'exporter son art vers les grands centres suisses, sera bientôt d'actualité. (jhe) |
Jean-René Moeschler
Ausstellungen: Oktober 2016 November - Dezember 2007 März - April 2003 |